Imágenes de páginas
PDF
EPUB

férences, Wesley et Whitfield qui avaient commencé avec un grand éclat, hors de l'église établie, la réforme religieuse communément appelée le réveil. En d'autres termes, il était devenu un des plus actifs ministres de la portion du clergé surnommée évangélique. « C'était, dit avec l'irrévérence du septicisme un récent critique, un de ces hommes qui semblent nés pour rendre désagréable ce qui est excellent; c'était une machine à conversions. » 1 Il reconnaissait lui-même, et sans trop s'en étonner, que sa prédication passait pour faire tourner la tête aux gens.

1

Tel était celui qui devint aussitôt le guide de Cowper: on n'en aurait pas pu inventer de pire. Que Cowper lui ait plu, rien n'est moins étonnant; il plaisait à tout le monde; mais ce qui l'est davantage, c'est que le nouveau paroissien d'Olney se soit senti si fortement attiré vers son pasteur, car jamais âmes plus dissemblables ne s'étaient rencontrées. « Cowper, dit fort bien à ce propos son biographe Southey, n'aurait pu trouver nulle part un ami plus sincère que Newton; il en aurait pu trouver un plus discret » Il voulut tout d'abord que Cowper le se

1 National Review, 1855.

condât dans son ministère et se rendit utile dans la paroisse. Et de fait, celui-ci devint bientôt une manière de vicaire, passant une partie de son temps à visiter les malades et les pauvres. Mais ce n'était pas assez. M. Newton avait institué des réunions de prières. Il voulut que Cowper y prit une part active.

Lui qui avait mieux aimé mourir que de lire les titres des bills au Parlement, le voilà forcé de paraître en public et d'y prier à haute voix. Aussi était-il pris, plusieurs heures auparavant, d'un tremblement nerveux qui devait sembler à l'ancien trafiquant de noirs la chose la plus incompréhensible du monde, si tant est qu'il s'en aperçut. Rien ne lui aurait été plus facile cependant; car peu à peu leur vie était devenue commune ; ils passaient ensemble quatre jours entiers de la semaine. C'était là une règle établie par M. Newton qui semble avoir poussé très-loin l'amour des règles pratiques, et qui menait un peu son église et sa maison comme il faisait autrefois son navire, sans en excepter la cargaison. Une autre règle voulait que le dîner fût servi à une heure, le thé à quatre heures, et que, à partir de six heures une lecture pieuse ou un sermon conduisit jusqu'au souper; ce qui faisait que pendant l'été le

pauvre Cowper était forcé de se promener à la chaleur du jour, et de passer la soirée enfermé dans une chambre, afin de ne pas perdre une minute de la précieuse compagnie de M. Newton. « J'en ai souffert, a-t-il avoué par la suite; mais je ne pouvais pas faire autrement. » C'est pourtant là ce qu'un biographe, qui n'en aurait sans doute pas voulu pour lui-même a nommé « la période du bonheur décidément chrétien»de Cowper.

Les premiers effets en sont marqués dans sa correspondance. Il cesse d'écrire à sa cousine, lui qui y trouvait tant de plaisir; et ses lettres à Hill ne roulent plus guère que sur des questions d'argent. On dirait qu'il a peur de se détendre; il est bref, la matière lui manque ; les sujets capables d'intéresser son ami sont, à ce qu'il prétend, aussi rares à Olney que les concombres à Noël; les affaires publiques ne le touchent plus : que le pays adore M. Wilkes ou quelque autre idole, peu importe à un homme qui croit qu'il paraîtra bientôt devant Dieu. Hill qui venait d'être gravement malade l'avait invité à venir le voir à Londres, dans l'espoir de l'égayer un peu; voici dans quels termes Cowper refuse: «Sir Cowper, car tel est mon titre à Olney, préfère son chezsoi à tout autre lieu de l'univers. Horace, obser

vant cette différence d'humeur chez des personnes diverses, s'écriait, il y a bon nombre d'années, << Combien les hommes se ressemblent peu ! » En anglais cette exclamation n'a rien de très-sublime, mais je me souviens qu'on nous enseignait à l'admirer dans l'original. Mon cher ami, je vous suis obligé de votre invitation, mais accoutumé depuis longtemps à la retraite dont j'ai toujours eu le goût, je désire moins que jamais me retrouverau milieu de la foule dans ces lieux bruyants que je n'aimai jamais et que j'abhorre maintenant. Je me souviens de vous avec la même amitié dont j'ai toujours fait profession à votre endroit; et je n'en ai jamais éprouvé de plus grande pour personne. Mais les étranges et singuliers incidents de ma vie ont donné à mon caractère et à ma conduite un tour entièrement nouveau, tout en me rendant incapable de trouver du plaisir aux occupations et aux amusements que j'étais toujours prêt à partager auparavant. » Cowper avait commencé avec un sourire, c'est presque avec un soupir qu'il finit: cela lui arrivait souvent. Au fond, quelque effort qu'il fit pour se persuader le contraire, il n'était pas heureux sous la discipline de M. Newton.

Ce fut à cette époque qu'il perdit son frère,

jeune et brillant érudit et agrégé de l'Université de Cambridge. Il a retracé lui-même l'histoire des derniers jours de ce jeune homme et de sa conversion finale, dans un petit écrit d'une simplicité touchante qui ne fut publié qu'en 1802 par les soins de M. Newton, et sous ce titre : Adelphi. Dans la Tâche, il a plus tard célébré sa mémoire par quelques beaux vers. Cette mort qui resserrait encore le cercle de ses affections ne pouvait que rendre plus sombre le cours de ses idées. Son temps, on l'a vu, se passait tout entier en exercices pieux et en distributions d'aumônes. Il lisait peu, s'étant débarrassé d'une assez belle bibliothèque qu'il avait à Londres, et d'ailleurs ne trouvant plus de charme à la lecture. Le fils de M. Unwin avait été chargé d'une cure dans le comté d'Essex, Mlle Unwin avait épousé un pasteur du Yorkshire. De toute « la race des Unwin » il ne lui restait plus que Mme Unwin qui formait avec M. Newton son unique société. Ce n'était pas assez, et c'était trop. M. Newton qui commençait peut-être à s'en aper

1 Il a été traduit très-librement en français dans une brochure intitulée : Quelques détails sur la Vie et la Mort du révérend John Cowper, par son frère, M. Cowper, célèbre poète anglais. Paris, 1819, in-12.

« AnteriorContinuar »