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qui avaient réformé les mœurs et reforgé la constitution de l'Angleterre. Mais tout opprimés et insultés qu'ils étaient, leur œuvre se continuait d'ellemême et sans bruit sous terre; car le modèle idéal qu'ils avaient érigé était, après tout, celui que suggérait le climat et que réclamait la race. Par degrés le puritanisme allait se rapprocher du monde, et le monde se rapprocher du puritanisme. La Restauration allait se discréditer, la Révolution allait se faire, et sous le progrès insensible de la sympathie nationale, comme sous l'essor incessant de la réflexion publique, les partis et les doctrines allaient se rallier autour du protestantisme libre et moral.

CHAPITRE VI.

Milton.

I. Idée générale de son esprit et de son caractère.

Son éducation. Ses études.

Angleterre.

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Ses voyages.

II. Effets du caractère concentré et solitaire.

Sa famille.. Son retour en

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Sa polémique contre le roi.

-

Son enthousiasme et sa roideur.

Ses théories sur le gouvernement, l'Église et l'éducation.
Sa vieillesse, ses occupations, sa per-

Son stoïcisme et sa vertu.

sonne.

IV. Le prosateur.

les physionomies et les idées. du Divorce.

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Changements survenus depuis trois siècles dans - Lourdeur de sa logique. — Traité Pesanteur de sa plaisanterie. — Animadversions upon the remonstrant. Rudesse de sa discussion. - Defensio populi anglicani. Violences de ses animosités.

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church Government. Iconoclastes. Libéralisme de ses doctrines. Of Reformation. Areopagitica. Ampleur de son éloquence. Richesse de ses images. - Lyrisme et sublimité de sa diction.

V. Le poëte. — En quoi il se rapproche et se sépare des poëtes de la Renaissance. Comment il impose à la poésie un but moral. - Ses poëmes profanes. - L'Allegro et le Penseroso.- Le Comus. Lycidas. Ses poemes religieux. Le Paradis perdu. - Conditions d'une véritable épopée. Elles ne se rencontrent ni dans le siècle ni dans le poëte. Comparaison d'Eve et d'Adam avec un ménage anglais. - Comparaison de Dieu et des anges avec une cour monarchique. Ce qui subsiste du poëme. Comparaison

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entre les sentiments de Satan et les passions républicaines. Caractère lyrique et moral des paysages. - Elévation et bon sens Situation du poëte et du poëme entre deux .

des idées morales.

âges. · Construction de son génie et de son œuvre.

Aux confins de la Renaissance effrénée qui finit et de la poésie régulière qui commence, entre les concetti monotones de Cowley et les galanteries correctes de Waller, paraît un esprit puissant et superbe, préparé par la logique et l'enthousiasme pour l'épopée et l'éloquence; libéral, protestant, moraliste et poëte; qui célèbre la cause d'Algernon Sidney et de Locke, avec l'inspiration de Spenser et de Shakspeare; héritier d'un âge poétique, précurseur d'un âge austère, debout entre le siècle du rêve désintéressé et le siècle de l'action pratique; pareil à son Adam qui, entrant sur la terre hostile, écoutait derrière lui, dans l'Éden fermé, les concerts expirants du ciel.

John Milton n'est point une de ces âmes fiévreuses, impuissantes contre elles-mêmes, que la verve saisit par secousses, que la sensibilité maladive précipite incessamment au fond de la douleur ou de la joie, que leur flexibilité prépare à représenter la diversité des caractères, que leur tumulte condamne à peindre le délire et les contrariétés des passions. La science immense, la logique serrée et la passion grandiose, voilà son fond. Il a l'esprit lucide et l'imagination limitée. Il est incapable de trouble et il est incapable de métamorphoses. Il conçoit la plus

haute des beautés idéales, mais il n'en conçoit qu'une. Il n'est pas né pour le drame, mais pour l'ode. Il ne crée pas des âmes, 'mais il construit des raisonnements et ressent des émotions. Émotions et raisonnements, toutes les forces et toutes les actions de son âme se rassemblent et s'ordonnent sous un sentiment unique, celui du sublime, et l'ample fleuve de la poésie lyrique coule hors de lui, impétueux, uni, splendide comme une nappe d'or.

I

Cette sensation dominante fit la grandeur et la fermeté de son caractère. Contre les fluctuations du dehors, il trouvait son refuge en lui-même; et la cité idéale qu'il avait bâtie dans son âme demeurait inexpugnable à tous les assauts. Elle était trop belle, cette cité intérieure, pour qu'il voulût en sortir; elle était trop solide pour qu'on pût la détruire. Il croyait au sublime de tout l'élan de sa nature et de toute l'au"torité de sa logique; et, chez lui, la raison cultivée fortifiait de ses preuves les suggestions de l'instinct primitif. Sous cette double armure, l'homme peut avancer d'un pas ferme à travers la vie. Celui qui se nourrit incessamment de démonstrations est capable de croire, de vouloir, et de persévérer dans sa croyance et dans sa volonté; il ne tourne pas à tout événement et à toute passion, comme cet être changeant et maniable qu'on appelle un poëte; il demeure assis dans

des principes fixes. Il est capable d'embrasser une cause, et d'y rester attaché, quoi qu'il arrive, malgré tout, jusqu'au bout. Nulle séduction, nulle émotion, nul accident, nul changement n'altère la stabilité de sa conviction, ou la lucidité de sa connaissance. Au premier jour, au dernier jour, dans tout l'intervalle, il garde intact le système entier de ses idées claires, et la vigueur logique de son cerveau soutient la vigueur virile de son cœur. Lorsque enfin cette logique serrée s'emploie, comme ici, au service d'idées nobles, l'enthousiasme s'ajoute à la constance. L'homme juge ses opinions non-seulement vraies, mais sacrées. Il combat pour elles, non-seulement en soldat, mais en prêtre. Il est passionné, dévoué, religieux, héroïque. On a vu rarement un tel mélange: on l'a vu pleinement dans Milton.

Il était né d'une famille où le courage, la noblesse morale, le sentiment des arts s'étaient assemblés pour murmurer les plus belles et les plus éloquentes paroles autour de son berceau. Sa mère était « une personne exemplaire, célèbre dans tout le voisinage par ses aumônes1. » Son père, étudiant à Christ-Church et déshérité comme protestant, avait fait seul sa fortune, et, parmi ses occupations d'homme de loi, avait gardé le goût des lettres, n'ayant point voulu « quitter ses libérales et intelligentes inclinations jusqu'à se faire tout à fait esclave du monde; » il écrivait des

1. Life by Keightley. « Matre probatissima et eleemosynis per viciniam potissimum nota. » (Defensio secunda.)

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