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génères 1); mais il les classe avec les Caucones, les Temmices, les Hyantes, etc., parmi les barbares errant dans la Grèce avant l'établissement des Hellènes. Étienne de Byzance confond Lélèges et Pélasges, s'il ne les identifie pas ). Ne nous étonnons pas, qu'à la distance où se trouvaient ces écrivains des temps préhistoriques où s'agitaient ces fantômes de peuples, ils n'aient pas su les distinguer, ni leur assigner leur place véritable. Homère a encore pleine conscience de leur différence. Parmi les alliés des Troyens il cite entre autres 3): Lélèges, Caucones et ,,les divins Pélasges". Il nomme également les mêmes ,,divins Pélasges" parmi et après les différentes peuplades qui habitent la Crète, notamment après les Étéocrètes, dont une partie avaient fondé le royaume des Tramêlê, dans la Lycie '). Nous pensons donc avec Dieffenbach et avec Knobel) qu'il cite, qu'à l'origine Lélèges et Pélasges habitaient des terres différentes; que les Lélèges étaient installés dans l'Hellade proprement dite et que dans le Péloponèse ils se sont rencontrés avec les Pélasges, qui, venus du Nord, les poussaient devant eux, les enveloppèrent et les absorbèrent, comme ils ont été enveloppés euxmêmes et absorbés par les Hellènes. Les Lélèges, comme tant d'autres populations primitives faibles, ont partout cédé aux envahisseurs et, comme les Sicules, les Bébryces, les Caucones, se sont fondus avec eux. Ils ont suivi les Locriens et ils leur ont parlé en un grec quelconque; ils se sont faits les serviteurs des Cariens et ils ont dû parler, comme eux, un dialecte sémitique. Quoi d'étonnant que, mêlés dans l'Hellade et dans l'Anatolie si fréquemment aux Pélasges, ils en aient à l'occasion adopté l'idiome? Car enfin, les noms des endroits qu'ils habitaient sur les côtes de l'Asie Mineure ont pour la plupart, comme tant d'endroits de l'Albanie, la désinence -anda; puis Troie, Xypeté, Milet, etc. ne s'expliquent-ils pas par des racines albanaises? Après tout, comme Pélasges et Lélèges ont été si souvent mêlés et confondus, n'auraient-ils pas peut-être parlé des

1) Strabon, XII, p. 572. XIV, p. 661. IX, p. 344, ed. Didot.

2) . Νινόη et Μεγάλη πόλις.

3) Iliade, X, 429.

4) Odyssée, XX, 175.

5) Dieffenbach, Orig. Europææ, p. 58, et Knobel, Völkertafel der Genesis, p. 99.

idiomes semblables? 1) Attendons que les inscriptions des Tramêlê nous révèlent leur secret. Jusqu'à présent ce sont ces derniers qui sont pour nous, avec leurs alliés les Troyens, les seuls Lélèges qui paraissent s'être conservés purs.

Le nom de Lélèges pourrait avoir été donné à la population la plus ancienne de l'Hellade par des Sémites qui, parmi les étrangers, y ont probablement abordé les premiers. Le mot lek-lek, qui encore aujourd'hui signifie,,cigogne" en arabe, a pu être employé déjà par les Phéniciens, à moins que les Lélèges se soient désignés ainsi eux-mêmes? Nous savons déjà que ljek-ljek est le nom par lequel Albanais, Valaques et Néo-grecs désignent la cigogne. Pourquoi les Grecs n'auraient-ils pas traduit en leur propre langue l'onomatopée ljek-ljek, dont le sens assurément ne leur échappait pas alors, et pourquoi n'auraientils pas appliqué cette traduction à la foule de hordes barbares qui Thucydide le savait fort bien- changeaient si souvent de séjour et qui se présentaient aux Grecs, dans leur mobilité perpétuelle, comme l'image de véritables oiseaux de passage? SÉMITES.

CILICIENS ET CARIENS.

Homère cite parmi les alliés des Troyens, au premier chef, les Ciliciens, sur l'origine sémitique desquels aucun doute ne saurait subsister (en hébr.: p, partage). Selon lui, leur territoire faisait partie de la Troade. Deux de leurs villes, Thèbes et Chrysé, avaient pour roi Éétion; une troisième était gouvernée par Mynès 2). Ces localités furent conquises et détruites par Achille. D'après Strabon, une partie des Ciliciens chassés de la Troade auraient occupé la terre qui pour nous est la Cilicie proprement dite, laquelle aurait précédemment appartenu aux Syriens. D'autres Ciliciens se seraient établis dans la Pamphylie, et y auraient fondé une autre Thèbes et une autre Lyrnesse 3).

Peut-on douter de l'influence exercée par les Sémites sur

1) C'est ainsi qu'Hérodote (VII, 42) appelle "Avтæv♪pos un endroit pélasgique, tandis qu'Alcée l'avait attribué aux Lélèges (Strabon, XIII, p. 518, 41).

2) Strabon, XII, p. 523, 4.

3) Strabon, XII, p. 536, 10. 569, 39. 577, 21.

l'Anatolie entière, lorsqu'on les voit établis sur toutes les côtes de la presqu'île, sans parler des Lydiens et des Cappadociens fixés dans l'intérieur? Comme Hérodote nous apprend 1) que Cariens, Lydiens et Mysiens possédaient en commun à Mylasa un antique sanctuaire de Jupiter, et qu'il ajoute expressément que ces trois peuples parlaient la même langue, Duncker en semble conclure avec raison) que tous les trois peuples étaient de la race de Sem. Strabon avait observé que l'idiome des Mysiens avait été appelé par quelques-uns un mélange de lydien et de phrygien. Mais, réplique Duncker, cette observation ne saurait prévaloir contre le témoignage d'Hérodote plus ancien de quatre siècles, quand bien même, pendant un pareil laps de temps, des éléments phrygiens se seraient introduits dans l'idiome des Mysiens. Il faut retenir cette réserve de Duncker et l'appliquer pareillement à la langue réputée si barbare des Cariens de la haute antiquité. D'après Strabon, elle se serait beaucoup adoucie au contact de la langue grecque, dont une foule de mots auraient pénétré dans leur idiome autrefois si dur").

Il convient de terminer ces recherches par une remarque générale qui a son importance: Pour des peuples barbares ou semi-barbares qui n'ont ni institutions fixes ni traditions littéraires, la linguistique, à l'aide de laquelle il faut toujours recourir, ne saurait nous fournir des résultats aussi certains que lorsqu'elle s'applique aux idiomes de peuples anciennement civilisés. Elle a besoin d'être maniée avec prudence. Ce que nous venons de dire des Lélèges, des Mysiens et des Cariens, le prouve surabondamment.

DERNIÈRE NOTE.

DES TEUCRIENS.

Il a été démontré plus haut que les Tramêlê ou Lyciens

1) I, 171.

2) Hist. de l'Antiquité, I, p. 400.

3) Strabon, XIV, p. 565, 4: οὐδέ γε ὅτι τραχυτάτη ἡ γλῶττα τῶν Καρῶν· οὐ γάρ ἐστιν· ἀλλὰ καὶ πλεῖστα Ἑλληνικὰ ὀνόματα έχει καταμεμιγμένα.

étaient de même race que les Troyens. Nous savons que les Lyciens sont venus de la Crète. Or, une tradition assure que les Teucriens (c'est le nom que les Troyens portent à dater du poète Kallinos vers 700) sont aussi venus de Crète et qu'en souvenir du mont Ida de leur première patrie, ils ont donné le même nom à la montagne de la Mysie. Les Lélèges établis à Pédasos au pied de l'Ida, sur les bords du Satnioeis, faisaient évidemment partie des Teucriens.

D'après une autre tradition, il est vrai, les Teucriens se seraient fixés dans la Troade après avoir quitté, sous la conduite d'un Teucer, le dême attique de Xypeté, qui avait porté anciennement le nom de Troie. Le fleuve Scamandre et une nymphe Idæa sont nommés comme parents de ce Teucer. Enfin, d'après Apollodore (3, 12, 1), ce Teucer aurait été le plus ancien roi de Troie! On voit pourquoi Teucer, le fameux archer des Grecs, devant Troie, nous est présenté seulement comme frère consanguin d'Ajax. C'est que sa mère Hésione était Troyenne 1). Elle était, comme on sait, l'épouse de Télamon et la fille de Laomédon, lequel Laomédon était fils d'Ilos et père de Priam.

1) La Grèce avant les Grecs, p. 79. 80.

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