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sujet enfin que ses auditeurs frappés d'un tel tribut d'admiration, l'auroient en quelque sorte obligé de traiter, s'ils n'avoient connu dès lors ce même panégyrique qu'il s'excusoit de ne pas prononcer dans une solennité consacrée à la gloire du père de l'Eglise, dont il parloit en toute occasion avec la plus juste préférence.

Voici comment il s'étoit exprimé dans son premier sermon (1); pour la vêture d'une postulante bernardine, qui prit l'habit religieux le jour où l'Eglise célébroit la fête de saint Augustin. « C'est vous que j'entends, ô grand Augustin! car peut-on se taire de vous, aujourd'hui que toute l'Eglise retentit de vos louanges, et que tous les prédicateurs de l'Evangile dont vous êtes le père et le maître, tâchent de vous témoigner leur reconnoissance? Que j'ai de douleur, ô très saint évêque !ô docteur de tous les docteurs! de ne pouvoir m'acquitter d'un si juste hommage! Mais un autre sujet me tient attaché; et néanmoins je dirai ma sœur ce qui servira pour éclaircir cette liberté que je vous prêche. Augustin a été pécheur, Augustin a goûté cette liberté dont se vantent les enfans du monde..... Mais depuis il a bien conçu que c'étoit un misérable esclavage : J'étois, dit-il, dans la plus dure des captivités, parce que faisant ce que je voulois, j'arrivois où je ne voulois pas aller, Quoniam volens , quo noilem perveneram. Confess. lib. 8, cap. 5. »

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Parmi les douze sermons de Bossuet pour des vêtures ou des professions religieuses, où l'on retrouve souvent la verve de son génie oratoire ; j'en remarque deux dont je suis plus vivement frappé; l'un pour la vêture d'une nouvelle catholique, le jour de la purification le grand Bossuet lui-même n'a rien écrit de plus vigoureux et de plus péremptoire contre les protestans. C'est dans ce discours, qu'on ne peut

(1) Tome 7 in-4°, page 350.

voir sans attendrissement la modération, les égards, la charité compatissante de Bossuet envers les prétendus réformés, dont il parle avec effusion d'aen combattant leur doctrine de la manière la plus triomphante. Voici le debut remarquable de son premier point. « Si parlant aujourd'hui de nos frères qui a notre grande douleur se sont sépares de nous, j'appelle leur église une église de ténèbres, je les

mour,

reurs

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pric de ne pas croire que pour condamner leurs erje sois aigri contre leurs personnes. Certes, je puis dire d'eux avec vérité ce que l'apôtre disoit des Juifs en écrivant aux Romains, que le plus tendre désir de mon cœur et la plus ardente prière que je présente tous les jours à mon Dieu, sont pour leur salut. Je ne puis voir sans une extrême affliction les entrailles de la sainte Eglise si cruellement déchirées et pour parler plus humainement, je suis touché au vif quand je considère tant d'honnêtes gens que je chéris comme Dieu le sait, marcher dans la voie des ténèbres. Mais afin qu'il ne semble pas que je veuille faire aujourd'hui une invective inutile ? je vous proposerai une doctrine solide, et conduirai ce discours si Dieu le permet, avec une telle modération, que sans les charger d'injures, je les presserai de vives raisons tirées des écritures divines et des pères leurs interprètes fidèles. »

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L'autre sermon beaucoup plus intéressant de Bossur la même matière fut prêché en présence des deux reines Anne, et Marie-Thérèse d'Autriche aux Carmélites de la rue Saint-Jacques, le 8 Septembre 1668, pour la vêture de mademoiselle de Bouillon, nièce de Turenne. Cette date est remarquable. Turenne se réunit à l'Eglise catholique, le 23 octobre de la même année. Bossuet qui préparoit en silence une si grande victoire en avoit manifestement dès lors plus qu'un simple pressentiment; car il falloit avoir le droit de l'annoncer avec une espèce de certitude , pour oser, six semaines d'avance, en assigner l'époque dans le courant de la même an

née, et pour inviter en public la jeune novice à faire descendre cette grace du ciel sur un oncle dont on ne pouvoit espérer et divulguer en quelque sorte la conversion avec trop de ménagemens. Ce sont les seules paroles que nous trouvions écrites dans les ouvrages de Bossuet sur cette abjuration dont il mérita entièrement et ne s'attribua jamais la gloire. La manière dont il en parle est digne à la fois du néophyte et de l'orateur.

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Après avoir rappelé à mademoiselle de Bouillon quelle auroit été la joie de son illustre mère, qui n'existoit plus alors, si elle avoit pu, dit-il, être présente à cette action, Bossuet dignement inspiré par ce souvenir, ajoute: « Mais que dis-je ? elle la voit du plus haut des cieux; et si la félicité dont elle y jouit est susceptible d'accroissement, vous la comblez en ce moment d'une joie nouvelle. Suivez sa dévotion exemplaire; et comme Dieu l'avoit choisie pour rétablir la vraie foi dans votre maison tâchez d'achever un si grand ouvrage. Vous savez, ma sœur, ce que je veux dire, et quelque illustre que soit cette assemblée, on ne s'apperçoit que trop de ce qui lui manque. Dieu veuille que l'année prochaine la compagnie soit complète; que ce grand et invincible courage se laisse vaincre une fois ; et qu'après avoir tant servi, il travaille enfin pour lui-même ! Votre exemple peut lui faire voir que le Saint-Esprit agit dans l'Eglise avec une force extraordinaire; et du moins sera-t-il forcé d'avouer que dans le lieu où il est il ne verra jamais de pareil sacrifice. »

Je le répète. C'étoit annoncer la prochaine abju ration de Turenne de la , que provoquer et de s'en flatter ainsi en public au milieu de son illustre famille. Voilà l'éloquence! Voilà Bossuet! Lisez ees discours ; et si vous n'êtes point vivement frappé de la sublimité de ses pensées et de la véhémence de ses mouvemens, gardez-vous de porter jamais aucun jugement sur les orateurs la nature vous a refuse le sentiment de l'éloquence.

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SUR LES SERMONS DE BOSSUET.

cette

Qu'il me soit permis, en finissant, de proposer question aux gens de goût : L'art de la chuire a-t-il fait des progrès depuis un siècle? Lisez Bossuet, et prononcez.

FIN DU TOME SECOND.

DE L'IMPRIMERIE D'AMÉDÉECHAMBEAU FILS.

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