Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tuait à la thèse des vertus antiques et de la décadence moderne la théorie de la perfectibilité, mais, en plein dixhuitième siècle, rendait au christianisme sa part immense dans ce progrès, cet esprit ne pouvait toucher à l'administration et au gouvernement que pour innover avec sagesse et réformer, sans destruction. Ses utopies étaient de la science; ses études sur la production de la richesse, sur l'impôt, sur le crédit, ne le rendaient que plus habile et par conséquent plus modéré dans les affaires.

Ce mérite, l'auteur de l'Éloge l'a parfaitement caractérisé, dans son jugement du ministère de Turgot. Il montre que ce théoricien savait agir et que, s'il existait une réforme capable de prévenir une révolution, un tel homme avait tout ce qu'il faut pour concevoir et achever telle réforme, l'invention, le courage et la persévérance. Mais il fut arrêté, au premier essai. Il n'arriva point à la terrible épreuve qui emporta son roi et son ami, Louis XVI et Malesherbes. Il mourut dans le calme de l'étude, avec ce reste de sérénité, que laisse aux âmes fortes l'avenir encore à demi voilé, devant elles.

Son éloge demeure une instruction. Les jeunes écrivains qui viennent de l'essayer témoignent par leur exemple, à quel point cette instruction est au goût de notre siècle. Leur facilité à comprendre et à juger ce qui étonnait dans Turgot marque un progrès des esprits, dont ils ont profité. Très-vive et très-heureuse dans le premier discours, cette sagacité se montre aussi à un rare degré, dans le discours qui obtient la mention après le prix, le n° 13, ayant cette devise bien justifiée par l'ouvrage : « Ce sont les faits qui louent. » L'auteur, M. Bouchot, professeur d'histoire au college de Versailles, connaît et juge parfaitement les choses, dont il parle. Ce discours étendu, nourri de faits et d'idées, est une exposition instructive des pensées de Turgot, précédée d'un bon morceau d'histoire sur son

temps. Le discours no 5, qui obtient la seconde mention, sans annoncer la même variété de connaissances, indique aussi le goût de la vérité et la précision du savoir, comme du langage; l'auteur est M. Dareste, professeur d'histoire au collège Stanislas.

Son travail et le précédent attestent ce que votre jugement éclairé sentira tout à l'heure bien vivement, à la lecture même incomplète de l'ouvrage couronné, c'est-àdire, combien la bonne foi dans le travail, la réalité de l'étude et la sincérité des opinions ajoutent de force au talent.

Un dernier prix nous reste à annoncer, celui que M. de Maillié-Latour-Landry a fondé pour l'artiste ou le jeune écrivain, dont le talent mériterait encouragement. L'Académie le décerne à M. Lafon Labalut, aveugle et poëte, et mêlant à l'inspiration du malheur celle des plus nobles sentiments. Ce prix est temporaire; mais M. le ministre de l'instruction publique le rend durable en quelque sorte, en accordant sur les fonds de l'État, pour les années suivantes, une indemnité à l'homme de talent, que le suffrage de l'Académie lui a paru désigner à sa bienveillance.

RAPPORT

SUR

LES CONCOURS DE 1847

MESSIEURS,

La pensée toute française qui, pour susciter d'éloquents travaux sur notre histoire, a réservé au talent une sorte de majorat annuellement électif, reçoit de nouveau la destination que lui avait indiquée, dès le premier jour, le suffrage public. L'auteur des Considérations sur l'histoire de France, le grand peintre aveugle, qui vient de tracer, d'une main si ferme, le frontispice du monument élevé aux anciennes Communes de France, et qui, dans cette vaste étude des origines et des progrès du Tiers état, nous fait assister au développement même de la nation, M. Thierry conserve le Prix fondé par le baron Gobert. Nulle concurrence ne s'est présentée; nulle comparaison n'a été possible. Le second Prix, attribué au narrateur instructif et piquant du règne de Louis XIII et du siècle de Richelieu, est également maintenu. En annonçant la première de ces décisions, l'Académie ne craint pas de paraître décourager l'émulation par l'immobilité de la récompense. Il est un degré de talent heureux et de travail

inspiré, qu'on ne surpasse pas souvent. Reconnaissons-le d'ailleurs notre concours est nécessairement mutilé. De grands et récents travaux n'y sont pas admis. Tout arc de triomphe élevé à notre histoire, toute peinture brillante, tout panorama poétique de nos troubles civils, toute image fidèle, ou transformée de leurs terribles héros n'a pas été comprise dans notre examen. Tout récit politique et animé des créations et des batailles de l'empire, toute description sagement sévère de l'ancien blocus de l'Europe par la France n'est pas tombée de plein droit sous nos Couronnes. Les auteurs étaient au rang des juges.

Ainsi, il est une grande part de l'esprit historique de notre temps, une somme immense d'imagination et de sagacité appliquée à nos annales, et dont nous n'avons pas eu cependant à connaître. Dans notre cercle même le plus assidu et le plus éloigné des distractions de la vie publique, le vétéran de la narration contemporaine vient d'en retracer les plus grands souvenirs avec une vivacité jeune encore, qu'il ne nous est pas permis de désigner par nos éloges. En nous bornant donc aujourd'hui à renouveler la proclamation d'ouvrages historiques déjà couronnés plusieurs fois, nous constatons la permanence d'un suffrage mérité; mais nous ne donnons pas la statistique de nos dernières richesses, dans un ordre de littérature si conforme au génie des Institutions et du siècle.

Une autre fondation, vous le savez, Messieurs, moins fixe dans son objet, permet à l'Académie d'accueillir, sous le titre d'ouvrages utiles aux mœurs, un choix de productions fort diverses. L'Académie en a distingué plusieurs, inégales de mérite, différentes de caractère, mais rapprochées par quelque point de la pensée de M. de Montyon. Au premier rang s'est placé un savant travail apprécié déjà par le suffrage d'un illustre magistrat, un travail d'histoire et de jurisprudence sur le Duel considéré dans

son origine, question grave que l'antiquité n'avait pas connue, apanage de la première barbarie des temps modernes, conservé, ou même aggravé dans le premier éclat de leur civilisation, et tout à la fois le préjugé le plus contraire au christianisme, et le seul peut-être qui ne se soit produit que chez les peuples chrétiens. Prendre ce préjugé à sa source et dans sa puissance, lorsque, sous le nom de combat judiciaire, il était une institution; puis, quand le combat judiciaire a été restreint, réduit à de rares autorisations, et enfin supprimé, montrer le duel qui, repoussé par la loi, se réfugie dans les mœurs, et lutte contre la Justice et le Pouvoir, le suivre dans cet état d'exception interdite, sous les impulsions diverses que lui donnent le sentiment plus raffiné de l'honneur, le contre-coup de la Ligue et de la Fronde, l'instabilité du système de répression, et quelquefois l'excès même de sa rigueur, expliquer enfin l'influence qu'ont exercée sur cette question la philosophie, la révolution, la liberté, c'était là, sans doute, une curieuse étude et un tableau vraiment moral. L'auteur en a parcouru toutes les parties et toutes les époques avec un art qui n'oublie rien d'utile, intéresse en abrégeant, et mêle à propos les vues générales aux faits caractéristiques. Puis, à cette étude d'histoire savante et nette, dans laquelle se trouvent mises en action les principales données du problème, succède le travail du jurisconsulte moraliste, plaçant la question dans notre temps, ne la séparant pas du reste de la vie publique, et comparant la nouvelle solution qu'elle a reçue de la jurisprudence avec la législation, que lui appliquent d'autres pays également libres, ou qui croient être également éclairés. La conclusion manque sans doute. Le publiciste n'est pas législateur. Il a fait son œuvre, lorsque, secondant ou avertissant l'opinion, il a donné des armes à la raison publique, ôté des prétextes à l'er

« AnteriorContinuar »